“Un virus est aussi une langue”
Une nouvelle époque commence lorsque le langage, qui est un être vivant, se reproduit en faisant naître des mots que nous n’avons jamais entendus ou prononcés auparavant. L’année 2020 est l’année où nous avons appris à dire, au milieu de n’importe quelle conversation, les mots « Wuhan », « pangolin », « ARN », « charge virale », « protéine Spike », « choc cytokinétique », « anosmie », « cas contact », « asymptomatique », « période d’incubation », « respirateur artificiel », « geste barrière », « télétravail »… 2020 est l’année où le mot « séropositif » a cessé d’être associé au Sida. 2020 est l’année où nous avons appris à dire ces mots, comme au cours des autres siècles on a appris à dire bactérie, virus, ADN… Nous avons été transformés par ces mots. Nous sommes devenus autres. Burroughs disait que le langage est un virus. Nous savons maintenant qu’un virus est aussi une langue.
Paul B. Preciado, 2020 ne finit jamais, Médiapart (28 décembre 2020, reservé aux abbonés)